Le fort de Véselois s’est vidé. Tous les hommes de la Section de l’adjudant chef M… sont repartis en Berliet débâché. Les hommes de garde attendent la relève. Elle arrive à l’heure. La garde montante décharge son matériel et ses vivres. Le chef de poste montant et le chef de poste descendant se passent le consignes générales et particulières. Puis ils inspectent le poste de garde et les chemins de ronde. Enfin, notre homme et ses camarades peuvent quitter les lieux.
Pour la première fois, cette nuit là, il s’est rendu compte qu’il était militaire, qu’il ne jouait pas et qu’il avait eu entre les mains un fusil chargé de balles réelles (et pas à blanc comme pour les exercices). Il aurait peut être eu ordre de s’en servir, de tirer, de tuer. Pourquoi tirer sur un homme que l’on ne connaît pas? Pourquoi tuer un être humain? Aurait-t-il tiré? Il ne faut pas rester dans le doute. Ses réflexions sont intenses. Aurait-t-il tiré!!!
Il en là de ses pensées quand le camion arrive au quartier et s’arrête devant le 2° Escadron. Plus le temps de penser, il faut travailler, rendre le matériel de campement au fourrier, le petit chef V…., réintégrer l’armement et aller rendre compte à l’adjudant d’escadron. Il leur faut lire les ordres au tableau vert du couloir et aller se laver un peu mieux.
Mais le plus important, c’est de récupérer le courrier. Il n’a pas de lettres. Personne n’a de lettres. Les PTT sont en grève également. Ils apprennent, le soir au foyer, que tout le pays est en grève…